lundi 18 juin 2007






Maison des blagues.

Il faut savoir que dans le pays où je me trouve, les blagues ou mots d'esprit sont élevés au rang d'un art, à l'égal de la pratique des arts de combat, sabre, tir à l'arc, ... ou encore considérés aussi difficiles et nécessitant des années de pratique comme l'exigent la cérémonie du thé, l'Ikebana, la calligraphie, la peinture ou le dessin...
Ainsi certaines blagues sont si redoutables et difficiles à comprendre que la personne qui se trouve en présence de l'une d'elle peu rester parfois des années sans en effleurer le sens, on m'a même raconté de nombreux cas d'êtres infortunés ayant perdus la raison après s'être acharnés des années durant, tournant et retournant la blague dans leur esprit en vain, au point de le perdre, n'être plus qu'une ombre errante que même les soins les plus spécialisés ne pourraient parvenir à soulager. C'est pourquoi il est conseillé toujours d'être d'une extrême vigilance lorsqu'on vous propose de vous raconter une blague, mais en réalité ceci n'arrive que très rarement tout le monde connaissant ici l'extrême gravité de la chose et seuls les plus téméraires ou inconscients arrivent à réclamer qu'on leur en soumette l'une d'elle.
Il peut arriver également que l'on croise dans la rue une personne se mettant tout à coup à éclater de rire sans la moindre raison, celle-ci contrairement à ce que l'on pourrais supposer n'a pas, elle, perdue la raison, mais vient d'être touché par une blague qu'on lui avait racontée dix, vingt ou trente ans au paravent (en cette matière le temps importe peu, et l'on dit même que l'on peut rire d'une blague qui vous avait été racontée dans une vie antérieure). Et le plus souvent les personnes prises ainsi d'un rire soudain ne savent pas du tout pourquoi, ayant fréquemment depuis longtemps oublié la blague à son origine et c'est alors leur subconscient qui est à au départ de ce saisissement. Ils se contentent ainsi d'accepter cette hilarité subite et étonnante comme une manifestation inexplicable et sont reconnaissant de cet instant comme du plus beau des cadeaux.
De même il semblerais qu'il existe des maisons de blague à la manière des maisons pour les cérémonies du thé, blotties quelque part au fond de quelque secret jardin des personnes fort rompues à ces exercices se retrouveraient pour se raconter des blagues et rire à s'en rompre les boyaux. Mais ces endroits très particuliers sont tout a fait inaccessibles et introuvables et s'il arrivait malgré tout que l'on venait à localiser l'un d'eux, ce que l'on y entendrait ne seraient que d'anodines blagues d'écoliers. De même il existe de fausses maison à blague pour touristes en quête d'exotisme et de sensation ou l'on disperse des blagues de pacotille.
D'ailleurs il est extrêmement difficile à quelqu'un y étant peu exercé de faire la différence entre une vrai et une fausse blague, il semblerais que les vraies se reconnaîtraient à l'effet retard très intense se manifestant au plan physique en premier lieu avant de s'étendre à toutes les sphères de l'individu. De plus les blagues sont comme un vêtement précieux et rare, faites sur mesure et ne pouvant convenir qu'à un seul individu.
Il existe également des blagues non pas que l'on vous raconte mais celles que l'on se raconte à soi même, les qualités et les effets sont les mêmes, vraie ou fausse, vraie dissimulée sous une fausse ect... toutes les nuances et effets sont identiques à celles racontées par d'autres et quelques fois les blagues suprêmes sont celles qui s'y confondent.

C'est l'histoire d'un homme qui chaque fois qu'il sort de chez lui après quelques pas se retrouve devant une personne qui lui fait un croche pieds, au début prenant cela à la légère il accepte cette incongruité assez étrange cependant et continue son chemin assez tranquillement quoique légèrement intrigué.
Mais jours après jours le croche pieds se répète et cela toujours au moment le plus inattendu lorsqu'ayant baissé sa garde il pense pouvoir s'en aller tranquillement. Mais impossible d'échapper à son poursuivant au pied blagueur, au bout de quelques semaines de ce régime devenu pas amusant du tout il décide de changer de chemin et sort de chez lui par une fenêtre arrière pensant échapper à son facétieux poursuivant qui commence à prendre les allures d'un bourreau. Ayant à plusieurs reprises tenté d'entamer un dialogue avec l'individu en question en lui demandant les raisons de cet acharnement ou encore pourquoi lui et pas les autres passants qu'il voyait déambuler tranquillement à leur aise, le personnage se contentait de hausser les épaules.
A plusieurs reprises il avait pensé utiliser la force ou la ruse, le bousculer, ou encore la course, mais pour la force, un sabre toujours accroché au côté l'en avait immédiatement dissuadé, courir ou fuir il le tenta bien des fois mais l'individu où qu'il courût finissait toujours par réapparaître devant lui posant immanquablement son croche pieds dans ses pas. Il décida de ne plus sortir de chez lui mais n'y tint pas longtemps. Exténué années après année il accepta presque avec résignation son croche pied quotidien, mais la douleur secrète de son état, était elle aussi vive et sourde que toujours, et impossible à atténuer, aucune acceptation ne pouvait y remédier. A bout de force il décida un matin de mettre la seule fin possible à son calvaire et il sortit résolu et sans retour se dirigeant vers son habituel rendez-vous il accepta le croche pieds puis dans l'élan si connu qui suivait son déséquilibre il s'empara à la vitesse d'un éclair du sabre de son inlassable inconnu et lui trancha net la tête puis les deux pieds. Ceux-ci tombèrent à côté de la tête. Il entendit alors la tête dire aux pieds. " merci beaucoup depuis tant d'années que je suis obligé de faire des croche pieds"

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